Lien Ornithologique de Lorraine et de Champagne. 1967, p. 17-18
(Bulletin ronéotypé de 22 pages)
Oiseaux rares observés à
la Station de baguage de l'étang de Bouligny.
Les marais étant aujourd'hui systématiquement
asséchés, les eaux courantes polluées ou
constamment dérangées par les pêcheurs, les
touristes ou la navigation de plaisance, il n'est pas étonnant
que certaines espèces rares d'oiseaux aquatiques (qui sont
généralement assez farouches) aient trouvé un
refuge pendant leurs migrations (appelées mieux "erratisme" ou
même "invasion" chez certaines espèces) sur des
étangs de pisciculture lorrains.
Les observations mentionnées par la suite furent faites sur les
étangs de Bouligny et de Holacourt (57 Arraincourt),
propriété de M. et Mme. Gaultier. Depuis 1962, ces lieux
furent fréquemment visités par de nombreux bagueurs et
ornithologues. Parmi les très nombreuses observations, nous ne
citons que quelques-unes qui sortent du cadre régional et qui
concernent des espèces qui méritent notre attention. Le
lecteur remarquera sans doute la courte durée de séjour
pour la plupart des cas : ceci s'explique par le fait que la
présence de ces espèces est anormale et qu'elles sont
souvent très éloignées de leur route de migration
ou de leur lieu de reproduction habituels. On en ignore les causer
exactes: déviation des migrateurs par des vents violents,
conditions climatiques défavorables ou surpopulation aux
endroits de nidification habituels, tendance d'expansion de l'aire de
nidification sont des explications possibles.
Aigrette Garzette (Egretta
garzetta)
9.-10.5.64 = 4 exemplaires (C. Gaultier, Josy Peltzer, R. Peltzer)
Cette espèce niche dans le sud et le sud-est de l'Europe, en
France jusqu'aux Dombes. Des rencontres plus au Nord sont accidentelles.
Cigogne Noire (Ciconia nigra)
19.-24.8.63 = 1 exemplaire (divers observateurs)
Cette espèce nichant dans l'Europe de l'est et migrant vers le
sud-ouest, il s'agit sans doute d'un migrateur faisant escale dans ce
biotope qui lui convenait. On 1'observait fréquemment le soir,
venant se percher sur un arbre déterminé pour y dormir.
Aigle Botté (Hieraaetus
pennatus)
17.11.63 = 1 exemplaire (R. Peltzer)
Cette espèce est supposée nicher ça et là
en Lorraine, sans qu'on ait pu - à ma connaissance - apporter
une preuve certaine de nidification.
Circaète Jean-le-Blanc
(Circaetus gallicus)
10.4.65 = 1 exemplaire chasse dans une prairie près de
l'étang (P. Isenmann, H. Jehl)
Même remarque que pour l'Aigle Botté.
Echasse blanche (Himantopus
himantopus)
17.5.65 = 2 exemplaires (L. Hayo, W. Rüter)
3.7.67 = 1 „ (R. Peltzer)
C'est un oiseau des marais du sud de l'Europe. Certaines années,
l'espèce fait des invasions printanières vers le nord.
C'était le cas pour 1965: l'observation de Bouligny
n'était pas isolée; il y en a eu à beaucoup
d'autres endroits d'Europe ou elles sont normalement absentes. Ceci
nous montre que des observations inexplicables sur un plan
régional peuvent être fort intéressantes sur le
plan international et analysées sur cet échelon, elles
peuvent mener à des conclusions fort intéressantes!
Guêpier d'Europe (Merops
apiaster)
15.8.65 = 1 exemplaire (Josy Peltzer)
C'est un oiseau qui niche dans le sud de l'Europe, dont quelques
exemplaires poussent irrégulièrement jusque dans nos
régions.
Mésange à Moustaches
(Panurus biarmicus)
31.3.67 = 1 exemplaire (R. Peltzer, J.-P. Schmitz)
Cette espèce niche en Hollande et localement en Europe du sud et
de l'est. En hiver 1965/66, il y a eu une invasion de provenance
hollandaise dont on n'a pas eu d'écho dans nos régions.
Dans les Ardennes françaises, il semble qu'il y ait eu un cas de
nidification près de Joigny-sur-Meuse en 1966 (adultes avec
jeunes observés par M. René Détrey).
Rémiz Penduline (Remiz
pendulinus)
25.4.65 = 1 exemplaire capturé et relâché avec une
bague (C. Gaultier, Jeanne & R. Peltzer-Détrey)
Cette espèce niche dans le sud et l'est de l'Europe. On
constaté depuis longtemps des invasions venant
irrégulièrement de l'est, mais celles-ci doivent assez
rarement atteindre notre région. Il n'est pas exclu que la
Rémiz niche de temps à autre dans des biotopes lorrains
qui lui conviennent.
Nous espérons que la publication de ces quelques faits
insolites, n'incite pas les ornithologues de la région à
une chasse à "l'oiseau rare", comme cela est malheureusement
parfois le cas dans certains milieux ornithologistes. Aussi le
débutant ne doit-il pas se décourager s'il n'a pas
à son palmarès au moins quelques observations
"retentissantes" : il ne doit pas oublier que la poignée
d'observations citée plus haut est le produit de milliers
d'heures de présence sur le terrain! Dans cet ordre
d'idées, il est utile de noter que la connaissance exacte des
espèces qui sont fréquentes dans nos régions est
infiniment plus importante que celle d'un oiseau isolé qui s'y
égare rarement. Néanmoins, cela ne doit aucunément
diminuer la joie qu'éprouve l'ornithologue quand il peut
observer un hôte passager d'un pays lointain ...
Peltzer Raymond