d'Lëtzebuerger Land 23.3.2007
Chasse - Grignotages
La position rigide de la Fédération des chasseurs risque de lui coûter ses privilèges.

On s'attend au combat des coqs lundi prochain au parlement pendant le hearing public sur la chasse. Car la Fédération des chasseurs (FSHCL) se retrouve de plus en plus isolée avec sa revendication de pouvoir continuer le nourrissage du gibier, même si son président Jos Bourg vient de faire marche arrière. Dans un reportage diffusé mardi sur Télé Lëtzebuerg, il a admis qu'il fallait arrêter de nourrir le gibier de façon massive. Mais que le chasseur devait garder la possibilité de pouvoir appâter les bêtes avant de les abattre.

Les scientifiques s'accordent à dire que le nourrissage systématique est la cause essentielle de l'augmentation massive des cheptels et des dégâts causés aux plantations forestières et agraires. Ainsi, l'étude Cellina, présentée le mois dernier, a mis en exergue que la nourriture des sangliers consiste en quarante pour cent de maïs charrié en forêt par les chasseurs. Ces résultats ont été balayés du revers de main par le député CSV Michel Wolter tors d'une récente réunion de la commission de l'Environnement. Celui-ci avait argumenté que la nourriture retrouvée dans les estomacs des bêtes avait servi a les vacciner en temps de peste porcine. Il maintient aussi que les dégâts causés par le gibier à l'environnement sont liés au passage des sportifs et promeneurs en forêt - un autre argument répété par les chasseurs.

Or, la position quasi figée de la Fédération des chasseurs risque lui coûter son statut privilégié en
matière d'organisation et de régulation de la chasse. Car les scientifiques s'accordent à critiquer la composition des instances comme te commission cynégétique ou la représentation de la Fédération dans le Conseil supérieur de la chasse. Dans leurs réponses au questionnaire remises récemment au parlement, l'Association des biologistes luxembourgeois et la Société des naturalistes luxembourgeois (SNL) revendiquent un changement fondamental. « Actuellement, le plan de tir pour le chevreuil et pour le cerf est fixé par une 'commission cynégétique' composée de cinq membres, dont quatre représentants de la FSHCL et un représentant de l'ADEF (Administration des eaux et forêts, ndlr) (...). Ceci nous semble inacceptable, vu le rôle majeur que cette commission peut jouer en dirigeant les populations d'ongulés au niveau national, » écrit la SNL. Et de plaider pour une commission composée de trois fonctionnaires assermentés de l'État, d'un fonctionnaire du Musée national d'histoire naturelle et d'un seul représentant de la Fédération dés chasseurs. Les biologistes souhaitent réduire également le nombre de représentants de la Fédération dans le Conseil supérieur de la chasse et d'en inclure deux du Musée d'histoire naturelle. Les scientifiques revendiquent - outre une tolérance zéro pour la consommation d'alcool lors des sorties avec des armes à feu - une transparence totale pour tout ce qui touche à la chasse et souhaitent donner un grand coup de balai aux pratiques et traditions opaques comme la fixation des plans de tir.

Dès lors, il est de moins en moins probable que la Fédération puisse obtenir gain de cause concernant son statut légal revendiqué (d'Land 02/07). Celui-ci permettrait de lui conférer la primauté absolue en matière de chasse et l'accès à toutes les parcelles des forêts. La chasse serait à ce moment-là officiellement d'intérêt général, d'une importance supérieure au droit de propriété privée. Cette idée ne plaît guère au directeur de l'Administration des eaux et forêts, Jean-Jacques Erasmy, qui maintient son refus d'accorder des pouvoirs de police ou juridiques a un groupement privé.

Apres le hearing lundi au parlement, les membres de la commission Environnement se réuniront le 18 avril pour en tirer les conclusions. Un débat d'orientation sur la chasse sera ensuite organisé en juin. Jusque-là, tout reste matière à négocier.
anne heniqui